Extrait du livre « Lacan au-delà des frontières » (ouvrage collectif, publié en juin 2021 par les éditions Stilus), dans lequel figure mon texte intitulé : « Qui a peur de la clinique lacanienne ? » J’y raconte, avec d’autres collègues, comment j’ai découvert la psychanalyse lacanienne et comment cette rencontre a changé ma vie.
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(…) Le courant lacanien en psychanalyse est souvent considéré comme « trop ancré dans le contexte linguistique français pour être compréhensible[1] ».
Conscient de ce genre des reproches[2], qui étaient répandus déjà à son époque, Lacan considérait qu’ils résultaient du fait que, dans sa doctrine de l’inconscient, ce dernier se rapporte aux effets de ce que l’on appelle le signifiant. Il s’agit ici des effets exercés sur le fonctionnement du sujet, y compris au niveau de son corps, par les représentations mentales nées d’une part d’éléments de langage tels qu’une lettre, une syllabe, un fragment de mot voire une phrase entière, d’autre part d’images ou de gestes qui nous ont marqués pendant l’enfance. Selon la formule de Lacan, l’inconscient freudien est structuré comme un langage[3] et c’est à ce titre qu’il est possible de le déchiffrer dans le cadre de la psychanalyse, dans une relation sous transfert.
Lacan a suivi Freud qui recherchait, dans les représentations signifiantes, ce qui se dissimule tout en étant vecteur du désir inconscient du sujet et de sa façon de le satisfaire. Les courants psychanalytiques non lacaniens se réfèrent aussi à l’inconscient, mais pour souligner les effets sur le sujet du discours de l’Autre. Ils se contentent d’éliminer chez le sujet le phénomène par lequel il se sent coupable de l’opposition à cet Autre, chaque fois qu’il ne suit pas ses valeurs et recommandations. Selon Lacan, dans le phénomène de la culpabilité, il ne s’agit ni des moyens de pression utilisés par le père interdicteur de la jouissance de la masturbation, ni de ceux utilisés par la famille, par l’école ou par la société[4]. De son point de vue, le sujet se blâme pour l’incomplétude de la jouissance qu’il éprouve et seule la psychanalyse peut l’amener à admettre que la complétude est structurellement impossible du fait de son entrée dans le langage[5]. Ceci est essentiel, car chaque aventure psychanalytique commence par le sentiment de satisfaction insuffisante. (…)
[1] Cf. Leźnicka-Łoś, A., Nauczyć się kochać. Terapia psychoanalityczna w teorii i praktyce (Apprendre à aimer. Théorie et pratique de la théorie psychanalytique), Varsovie, Ed. Jacek Santorski & Co Agencja Wydawnicza Sp. z o.o., 2002.
[2] Lacan, J., Le Séminaire, Livre V, Les formations de l’inconscient, Paris, Le Seuil, 1998, p. 30.
[3] Lacan, J., Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, leçon du 27 mai 1964, p. 227.
[4] Lacan, J., Télévision, Paris, Le Seuil, 1974, p. 47-48.
[5] Soler, C., Les affects lacaniens, Paris, PUF, 2011, p. 74-75.